La stupéfaction… Elle apparait sous l’aspect de gouttelettes lourdes et incolores qui s’accrochent sur les fronts des spectateurs de l’exposition. Il y a une dizaine de minutes, alors qu’ils franchissaient le seuil de ce salon de l’art, ces membres du patronat de la Cité ne s’imaginaient pas un seul instant qu’ils seraient poussés dans leurs derniers retranchements. La responsable n’est pas bien loin. Ce n’est autre qu’Isabelle, auteure et guide de l’exposition. Ses tableaux sont des chefs-d’œuvre, personne ne dirait le contraire. Le génie de cette artiste noire réside dans sa manière d’opérer : elle prend des papiers d’origines…
Lire plusVraiment mémorable, cet anniversaire. C’est déjà presque une vieille histoire. Bientôt seize ans… Pourtant je sais que jusqu’à mon dernier jour elle continuera d’habiter ma mémoire comme ce matin radieux de septembre sur ma bonne ville de Québec. Nous revenions d’un voyage en Europe. Paul avait préparé le petit déjeuner et les muffins tiédis attendaient leur ration de sirop d’érable. Aujourd’hui encore lorsque retentit la sonnerie du téléphone, il m’arrive de sursauter comme je le fis ce jour-là. Qui diable pouvait appeler à cette heure matinale ? La voix de Mary, ma sœur jumelle, chuchote dans l’écouteur. Je ne peux m’empêcher…
Lire plusI (Patria Mia) Perle suis née en lieu parfait Les perles naissent d'imper- fections II (Sacrée terre!) Gratte les morts de tes ongles crassés Caresse enragée tantôt vengeresse La terre sèche gorge assoiffée Disperse les pensées Choisis la plus belle (‘Elle est pas très catholique celle-là’) puisqu’elle aussi devra mourir III (Rites) S'il faut encrer une troisième page pour trouver le saint-graal j'en demande par avance pardon à l'arbre sacrifié sur l'autel de ma pensée IV …
Lire plusOh, que ça fait mal ! Quand je suis prise comme ça, tu vois, il faudrait me laisser partir. Je t'assure, ça t'étreint si fort là dedans, tu ne peux pas imaginer, c'est terrible. Il faudrait le dire aux médecins, une autre fois. Me laisser. Qu'est-ce que tu veux ? J'ai fait ma vie. C'est comme ça. Et puis, maintenant, surtout à cette saison, je ne peux plus faire grand-chose. Et je ne vois plus grand monde. A part Robert, tous les matins avec le journal et le pain ? Un fidèle celui-là. Je le regarde passer sur sa bicyclette vers neuf heures…
Lire plusIl est déjà levé, j'entends le plancher qui grince doucement, les canalisations de l'évier glougloutent. L'insonorisation est mal faite, j'ai entendu qu'il s'est couché vraiment tard hier, c'est impressionnant, quand est-ce qu'il dort ? Pas de lumière qui filtre sous mes volets, mais ça ne veut peut-être pas dire grand-chose, ils occultent bien… Oui, quelle heure est-il, au fait ? J'ai envie de regarder mon téléphone, ma main se tend, tâtonne autour, le meuble de chevet, la pile de livres un peu usés que j'ai apportés. Mais pas de portable, bien sûr, puisque c'est lui qui l'a (je revois…
Lire plusLe rouge intense se dilue et pâlit. La couleur disparait dans l'évier. Je frotte le pinceau sur le rebord. J'attrape un chiffon et sèche méticuleusement les poils. En me retournant, je regarde la pancarte par terre. J'acquiesce, satisfaite du résultat. Il est l'heure de partir. J'ouvre la porte et rejoins les rues de Kampala. La température est encore agréable. L'air chaud caresse mon visage et mes bras nus. Je porte la pancarte la tête en bas. D'un pas rapide, je rallie le point de rendez-vous. Les autres sont déjà présentes. Elles sourient. Nous sommes…
Lire plus10 Août 08H02 Ma chère maman, J’ai songé à toi cette nuit de façon sereine pour la première fois. Il se produit une chose tout à fait extraordinaire en moi. Je sens mon âme se départir de cette sombre mélancolie qui l’habitait il n’y a pas si longtemps encore ; cette tristesse d’exister qui m’a fait noircir tant de pages de ce cahier dans lequel j’ai couché chaque jour à peu près des mots pour toi, des mots que tu lis peut-être (je l’espère du moins)…
Lire plus— Bonjour Monsieur, — Bonjour, que puis-je faire pour vous ? — Eh bien voilà, ce matin j’ai trouvé le temps long alors je me suis dit, il faut que j’aille aux Objets trouvés… — Vous avez très bien fait Monsieur ! Je vais noter votre découverte et vos coordonnées dans notre registre, à la date de ce jour. Si, dans un an et un jour très exactement, le propriétaire ne s’est pas manifesté, alors nous vous re-contacterons car, à partir de ce moment-là, vous en deviendrez le nouveau propriétaire. — Ah, dans ce cas, ce serait bien embêtant… — …Pourquoi donc ? — Mais c’est que, moi, je ne…
Lire plusOtabela, perchée sur un monticule, observait la terre, sa terre. Les larmes aux yeux, elle se remémorait l’enfer des vingt dernières années de batailles âpres, parfois violentes et toujours stressantes. Elle s’était mariée à Bidima à dix-neuf ans. Avaient suivi quinze années d’un mariage plutôt heureux. Et puis l’accident. L’effroi. Les larmes. Le désespoir. Les quatre fillettes désormais sans père. L’horreur des obsèques au village Ekang. Les rites terribles de veuvage. Et le cauchemar la poursuivit à Yaoundé sous les traits d’Ekobo, cousin du défunt. Mandaté par le reste de la belle-famille, il tint un discours qu’Otabela eut…
Lire plusLa femme le tenait fermement contre son sein, étreinte elle-même par tout l’amour maternel qu’une créature de Dieu pouvait donner. Son désir le plus cher était enfoui au plus profond de son être, mais transparaissait à travers ce doux sourire qu’elle lui vouait. Je me la représentai souvent dans chaque mets, chaque lieu, chaque phénomène aussi, comme l’incarnation d’un ange très puissant ; son fredonnement réveillait l’aube, et la lumière se versait sur le chemin broussailleux qui jusqu’au champ s’étirait… Elle y cultivait l’humilité profonde, sans jamais épargner sa peine ; sous un astre dur qui…
Lire plusSeule, face à mon miroir, je fixe un point imaginaire, déterminé par le creux entre mes seins. Mes yeux rouges, cernés, restent perdus dans le vide, en cet endroit de l'univers où tout commence et finit à la fois, où je mourus et où je renaîtrai. Tout se résume en cela, un espace imaginaire, un tout qui est un rien. Rien. Ce que mon esprit souhaite mettre dedans. Rien. Mes larmes, essuyées d'une main énervée et sans pitié, font pleurer mon maquillage sur mes joues, mes lèvres, mon menton pour atterrir sur mon torse présentement mis à…
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