Le rouge intense se dilue et pâlit. La couleur disparait dans l'évier. Je frotte le pinceau sur le rebord. J'attrape un chiffon et sèche méticuleusement les poils. En me retournant, je regarde la pancarte par terre. J'acquiesce, satisfaite du résultat. Il est l'heure de partir. J'ouvre la porte et rejoins les rues de Kampala.

      La température est encore agréable. L'air chaud caresse mon visage et mes bras nus. Je porte la pancarte la tête en bas. D'un pas rapide, je rallie le point de rendez-vous. Les autres sont déjà présentes. Elles sourient. Nous sommes prêtes. Presque prêtes.

      Nous ne sommes qu'une dizaine mais c'est important. Il faut marquer le coup. D'un signe de tête, un consentement. J’enlève les bretelles de mon débardeur et le laisse tomber sur les hanches. La température monte d'un cran. En marche. La poitrine vers l'avant. Fière. Pour Ingrid. Pour le respect des femmes. Élevons nos voix.

      Autour de nous, les gens se pressent. Intrigués, choqués, outrés, révoltés. Puis, des hommes, des galons sur les épaules, se dressent devant nous. Ils bloquent la route. L'un d'entre eux s'avance. Nous apostrophe. Mais la température, la marche, les paroles et les cris nous ont échauffées. Je lève la pancarte, chante le slogan. De plus en plus fort. Je repense aux images vues au journal télévisé, à l'indignation ressentie. Je ne veux pas me laisser faire. Je suis une battante.

      Le ton monte. Les paroles dépassent les pensées. Des accusations de part et d'autre. Les forces de l'ordre contre le sexe faible. Un policier m'attrape par le bras. La pancarte me tombe de la main. Je suis emportée. Emmené. Arrêtée. Les mots provoquants à terre : « Comment vous sentiriez-vous si on vous pressait les couilles? »

Crédit Photo: Ashley Moponda