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      La stupéfaction… Elle apparait sous l’aspect de gouttelettes lourdes et incolores qui s’accrochent sur les fronts des spectateurs de l’exposition. Il y a une dizaine de minutes, alors qu’ils franchissaient le seuil de ce salon de l’art, ces membres du patronat de la Cité ne s’imaginaient pas un seul instant qu’ils seraient poussés dans leurs derniers retranchements. La responsable n’est pas bien loin. Ce n’est autre qu’Isabelle, auteure et guide de l’exposition.

      Ses tableaux sont des chefs-d’œuvre, personne ne dirait le contraire. Le génie de cette artiste noire réside dans sa manière d’opérer : elle prend des papiers d’origines diverses, les découpe en morceaux plus ou moins minuscules, les mélange, puis les colle les uns aux autres sur des supports afin de former des objets du quotidien. Sauf qu’elle vient d’annoncer à son public qu’il ne s’agit pas de papiers ordinaires, mais de précieux documents que d’aucuns ont obtenus au bout de plusieurs années d’efforts intellectuels : des diplômes… En outre, elle déclare en avoir utilisé une centaine. La chose a d’abord été prise comme une blague, jusqu’à ce que certains découvrent, après une observation minutieuse, qu’il s’agit bien de diplômes ; qui plus est, de diplômes délivrés par des universités et grandes écoles de renom. Ce qui trouble surtout, c’est que là où on peut distinguer la mention, elle est soit très bonne, soit excellente.

      Or, il se trouve qu’Isabelle a réalisé cette exposition d’art à la seule attention des membres du patronat de la Cité, et ces derniers sont convaincus que son but était de les offenser : ils sont à la recherche de talents et ils les découvrent là, sacrifiés dans un mélimélo artistique. Alors qu’elle les guide, l’artiste leur affirme que ces inestimables certificats ont été cédés de plein gré par leurs propriétaires, car chacun d’eux, après avoir vainement cherché un emploi, ne savait plus quoi en faire. Pour les spectateurs, c’est impossible, car la demande ne manque pas dans la Cité ces derniers temps. Isabelle leur dit alors :

-Tous ces diplômes que vous voyez appartiennent à des jeunes filles noires qui ont fait le tour de vos entreprises respectives entre il y a dix ans et il y a cinq ans. Vous n’avez recruté aucune de ces candidates.

      Les chefs d’entreprises se regardent les uns les autres. Une once de honte a rejoint la stupéfaction sur leurs visages. Isabelle leur dévoile alors le but de l’exposition : discuter de ce problème et en trouver un remède. 

 

Crédit Photo: Ashley Moponda