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Lied de la vieille fille

A tant donner de temps au temps
Elle a laissé couler les heures.
Belle elle fut, dit-on, pourtant
Aux jours d'avant, mais ne demeure
En sa mémoire qui se meurt
Que des ombres sans cœur battant.

S'appelait-il Jean, Pierre ou Gilles,
Régis ou peut-être Martin,
Prince chenu, jeune nubile,
Amant timide ou libertin,
Celui qu'un beau jour le destin
Mena aux portes de sa ville ?

Fallait, soeur Anne inassouvie
Dolente au sommet de sa tour
Et que les ans ont desservie,
Pour forlancer le troubadour
Lâcher les chiens au laisser-courre
En abaissant le pont-levis

Et ne point détourner la tête
Lorsque l'amour vint à passer.
Si ce jour d'aucunes font fête
Alors qu'en vain vous rêvassez
C'est qu'aux vêpres du temps passé
Vous fûtes trop sage nonnette.

A tant donner de temps au temps,
Du bel été à Chandeleur,
Elle a bouqueté ses printemps
Près l'horloge scandant ses leurres
Et, nostalgique chantepleure,
A jamais tari ses vingt ans.

 

Les copains d'alors

Tant mes amis s’en sont allés,
Mort abhorrée, sous ta houssine
Pressant le pas, ployant l’échine,
Que je m’en ai cœur barbelé
Et, vieux Cassandre, vaticine.

Sacha, Louis, Luc, Pierre et Flavien
En belle vie avaient créance
S’en remettant à dame Chance
Pour transmuter, comme il convient,
Maigre thune en munificence.

Qu’ont-ils à faire là-dessous,
Dans tes caveaux de solitude,
Eux, mes rieurs de choses rudes
Dont l’image qui se dissout
Par le marbre poli transsude ?

J’ai plus d’hier que lendemains
Dont souvent mon effroi s’avine
Et me morfonds quand je devine,
Prise à la gorge à pleines mains,
Ma jeunesse qu’on assassine.

Lors, je m’en vais, tout maugréant
Contre ce dieu, Moloch avide
Qui les mena, sous son égide,
Jusques aux portes du néant,
Me laissant seul sous un ciel vide.

 

Beaux compagnons

François, Arthur, Paul et Guillaume
Que faites-vous, beaux compagnons,
Dans l’interminable monôme
Trop s’éloignant, ce train-fantôme
Des souvenances en haillons ?

Toi, François, mon frère sauvage
De mort promise t’attristant,
Ombre d’une ombre sans visage
Tu nous hèles de ton rivage
Mais où sont tes neiges d’antan ?

Rimbaud, ange aux boucles de faune,
Sur tes navires caboteurs,
Enfant rescapé du cyclone
Dis-moi : entends-tu l’éveil jaune
Et bleu des phosphores chanteurs ?

Malgré ce froid de lune rousse
Peux-tu Verlaine, aux parcs glacés,
D’une jupe qui se retrousse
Ecouter la chanson bien douce
Pour t’enivrer d’amour assez ?

Coule la Seine sonne l’heure…
Dans les limbes de ton néant
Vois-tu Guillaume, à la male heure,
Comme un mirage qui nous leurre
Tes blancs ruisseaux de Chanaan ?

François, Arthur, Paul et Guillaume
Que faites-vous, beaux compagnons,
Dans l’interminable monôme
Trop s’éloignant, ce train-fantôme
Des souvenances en haillons ?