Tribal
Sous l’entrelacs soigné de ma cage thoracique
Par-delà l’étendue des tourbes séminales là
où vautrent et s’agitent le joug du modernisme j’entends
Crisser des pas couchant les herbes hautes d’une savane rouge vomissant ses félins j’entends
Les infrabasses de tambours qui annoncent
la paix onctueuse et la mort florissante
Je vois des hommes hideux à nos yeux d’oligarques
des femmes aux hanches larges et aux bras travaillés de cent colifichets
Je sens vivre en osmose ceux qui naissent
ceux qui copulent
et ceux qui meurent
Bêtes nichées au creux de la Nature puissante
Sous l’entrelacs soigné de ma cage thoracique
L’accroche
Quand il est parvenu à détacher son esprit
De ce qui se tramait derrière son dos
Son regard a accroché
Quoi ?
Quel horizon chargé
Un piaf à bec orange un poteau électrique
Un arbre dont la robe ondule
Un nuage avec une drôle de gueule
Un visage affairé à regarder ailleurs
Un postillon ourlé de haine pure
Du tissu - un pantalon peut-être
Un lézard effrayé filant entre deux pierres
Un vélo posé sagement sur sa béquille
Sa femme et ses enfants grillant
Dans un brasier superbe
La tache exubérante de son urine
Chaude coulant contre sa jambe
Diffusant entre ses genoux pliés
L’ombre d’une éclipse
Il a vu quoi
Avant de basculer
Le crâne foré de part en part
Un filet de lumière
De la nuque à la bouche ?
Il manque
Il manque
à l’élan de ma poésie
quelques longs voyages
à dos décharné
de zébu placide
Un à deux checks virils
épaule contre épaule
avec un Afro-Américain
au sortir d’un bar
de quartier sordide
Il manque aux épaules
de mes prétentions
quelques nuits passées
au milieu de nulle part
couché contre des gens
que je ne comprends pas
mais que j’aime intensément
puisqu’ils m’aident à vivre
en sirotant du jazz
Qu’est-ce que j’ai fichu, mordious ?