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Il avait le visage renfrogné

Et l’âme morose dans un corps

Qui se mourait graduellement ;

Un bourru au cœur d’or !

En lui il y avait un immense et réel vide

Dans ses mains une douleur profonde et un monde insipide

Mais jamais il ne jettera le manche après la cognée ;

Un de ces jours il ira honteusement

 

Son désir de partir

Etait solide, large, aussi colossal

Que cette triste lyre

Qui pleure notre misère abyssale

Son désir de partir

Etait solide, aussi gigantesque

Que les tortures d’un martyr

Dans un monde de misère titanesque

 

Trois ans d’atermoiements 

De peur et de tourments

Trois ans qu’il a l’âme plongée dans un monde inconnu

Trois ans qu’il a le cœur submergé dans un idéalisme perclus 

Qu’il impose à son corps un autre paradis

Qu’il veut tenter une expérience hardie 

 

Attiré par un autre soleil 

Il était déterminé

Si déterminé à échapper à la misère 

Qu’il ne songeait pas aux malheureux qui mouraient en mer 

Il était prêt à atteindre l’autre rivage 

Prêt à succomber pour une réussite rêvée 

 

Ainsi,

Avant le clin d’œil du soleil 

Avant la rengaine du coq 

Avant que la lune ne ferme ses paupières

Avant que les filles de la nuit ne disparaissent

A notre insu 

Il s’en alla ;

Il prit la route vers l’eldorado

Il prit le bateau vers sa terre convoitée…

Il s’en alla honteusement et secrètement !

 

Cent jours

Quelque part dans un monde inconnu 

Dans une nature étrangère 

Cent jours

Mille chagrins et deux mille lamentations 

Cent jours

Qu’il se nourrit des bruits horribles des vagues brisantes de l’océan 

 

La mer arrachait la vie des uns et le souffle des autres 

Le bateau se vidait timidement 

Pauvre aventurier

On pouvait lire l’angoisse sur son visage

 

Leur destination fut la mer de sable 

Hélas !...  

L’effroi venait de naitre

Le voyage vers l’eldorado avait été anéanti

Comme le rêve des nantis

Abandonnés par leurs maîtres 

Son rêve avait été réduit en mille six-cent morceaux…

 

Sous ses yeux se mouraient ces innocents aventuriers

Sous ses yeux ces êtres mouraient comme des guerriers  

Sous ses yeux ils trépassaient en prison 

 Ils avaient les mains liées 

Pieds et âmes enchainés

Ils attendaient vainement cette lueur d’espoir

Et cette aurore qui n’arrivera jamais 

 

Témoin oculaire des actes odieux

Il avait piqué un fard parce que c’était le revers des cieux 

Et à cor et à cri il a appelé tous les dieux

 

 Dans son cœur logeait une kyrielle de remords

Il était le souffre-douleur de ces hommes

Et son corps dans cet enfer se mourait

 

Il avait une conscience sans voix   

Il proférait des « hélas » pour proclamer sa tristesse 

Où était donc Simon de Cyrène ce gentilhomme 

Qui jadis aida l’homme en détresse ?

 

Silencieusement il jugeait et condamnait ces meurtriers 

Timidement il faisait sa dernière prière 

Pensant à son père et à sa mère 

Surement demain il ira 

Vers l’au-delà ou peut-être 

Il regagnera sa terre 

 

Seul avec sa solitude et son âme famélique 

Seul avec tous ces hommes sans cœur 

La voix dans le vent 

Et dans le vide 

 Il dit alors:

Je suis cette lune basanée 

Qui n’a même pas d’ombre 

Mon âme longtemps restée

Dans un gouffre amer 

Se meurt au rythme de leurs tortures et de leur misère

Je suis ce corps frêle paré  

De douleur rouge-garance 

Ce corps qui sans cesse pleure

Pleure-pleure pour expier ce mal-mâle 

 

Le soleil a dû partir avec mes rêves 

Seul avec ma solitude et mon âme 

Mon vide se vide 

J’ai envie de humer un bonheur perfide 

Envie d’inhaler les séquelles d’espoir 

Pour ragaillardir ce corps plein d’histoire 

 

Je suis cet homme

Prisonnier d’incertitude

Fils de la solitude !

Je suis cet homme

Prisonnier d’incertitude

Auteur d’une multitude d’illusions !

Je suis cet homme

Prisonnier d’incertitude

Fils du néant !

Je suis cet homme

Prisonnier d’incertitude

Fils…

(Il n’a pas pu terminer sa phrase, parce qu’il pleura