Je cueille des cœurs dans le jardin
Rangés dans le panier, ils attendent pour être mangés
Cuits au four, la chaleur conservée
Qui court dans les cœurs, avant d’être digérée
On m’appelle le Cardiophage
Je fais jaillir le jus des cœurs crus
Ça éclabousse, ça fait des étoiles rouges sur les draps défaits
J’ai les clés qui ouvrent le coffre et casse la cachette
J’écris à l’encre rouge qui coule
De mes lèvres, fraîches, un sourire candide
« S’il-te-plaît, Cardiophage, raconte-moi une histoire. »
Comme dans les contes : il était une fois, quelqu’un, qui mangeait les cœurs
Parce que le sien était perdu
Et qu’il fallait le remplacer.
Je compte les battements à l’envers qui reculent vers la fin
Un ventricule, la tête en bas, qui pulse
Pour que tout le monde soit arrosé
Un cœur qu’on croque, ça craque, des crocs
Végétarien dans l’âme et du sang plein la bouche
La pluie d’hémoglobine qui dégouline, goutte-à-goutte dans l’assiette
Et la fourchette qui pointe vers le haut
Les herbes aromatiques pour parfumer
Le goût fort de l’âme
C’est le sel de la vie
« S’il-te-plaît, Cardiophage, dessine-moi un conte. »
Comme dans l’histoire : il ouvre ses larges mâchoires et les laisse tomber sur sa proie
A cela j’ajoute le poivre, et je mâche.
Je sais qu’on m’appelle le Cardiophage
Mais il n’y a plus personne pour en parler
Je laisse des corps vides et la faim vient me tourmenter
Je goûte par gourmandise, mais ne m’arrête qu’après
La dernière bouchée, c’est toujours la plus amère
J’ai planté un arbre à cœurs, pour en cueillir, dans le jardin
Il fleurit au printemps, mais ne peut pas me rassasier
J’ouvre la cage de la nuit et je cours en chercher
Je mange tous ceux que je peux trouver
« Sil-te-plaît, Cardiophage, tu veux être mon ami ? »
Je suis déjà à table
Et j’aime ceux que je mange
Alors je me ressers.