Les yeux fermés. Je m'efforce de me concentrer sur ma respiration. Elle est forte, essoufflée. La pièce est calme. J'écoute le silence. Cependant, plus loin, venant de la cuisine, les informations me parviennent. J'ai oublié d'éteindre la télévision. J'essaie de me recentrer sur moi-même. Je sens mes pieds et leurs contacts avec le sol. Les orteils, la plante voûtée, les talons, lourds, qui s'enfoncent. « ... il y a un risque ... être rendu responsable... avoir abusivement dénoncé ... ne pas avoir dénoncé ... aurait dû dénoncer... ». Ma mâchoire se crispe. Mes dents frottent les unes contre les autres. Je m'en rends compte et je tente de relâcher mon visage. Je respire profondément. Inspiration par le nez, expiration par la bouche. Lentement. « ... de nombreux sympathisants de l'État islamiste ... » Mes doigts se replient, accrochent le tissu. Le coton bouge sous la pression de mes ongles. Faire le vide, penser à autre chose. Une forêt, une rivière, une biche. Paisibles. « ... Trump... décret sur l'émigration ... » Le feu, la fuite des animaux, le ciel qui s'embrase. Je passe les mains sur le front, les joues, pour enlever ces images. Je masse doucement mes tempes. « Il est de mon devoir d'affirmer que les nombreux éléments déjà recueillis ne permettent pas d'envisager, en l'état, un classement sans suite de la procédure. » Les épaules tombées vers l'avant, le dos voûté, la tête penchée. Courage. Motivation. Je me redresse. Les épaules davantage en arrière, le dos droit, la tête haute. « Régime de faveur, postes dorés, députés déconnectés de la réalité. » Une vague dans mon ventre. Je le caresse doucement. Un petit coup en dessous de la paume. Un autre dans l'estomac. Je me redresse péniblement. En prenant appui sur les accoudoirs. Les jambes arquées. Le ventre proéminent. Je me dirige à la cuisine. «  ... football, plusieurs matchs ... dans le cadre des seizièmes... » J'éteins la télévision. A bout de souffle. Dans quel monde naîtra-t-il?