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          C’est ici que j’ai échoué

Que je suis condamné à vivre

          C’est mon pays

Les berges poussiéreuses m’accueillent

Les algues de la dépendance restent encore scotchées à ma peau

Mon corps émerge à peine des décombres

Ça ne peut être qu’un naufrage qui m’a conduit ici

          Dans mon pays

Je pourrais raconter cette histoire dès les origines

Mais mon passé demeure inaccessible, en haute mer

Il a dû être emporté par les remous il y a bien longtemps

Puisque je ne m’en souviens plus

Mon histoire ne se décline qu’au présent

          Quand habiterais-je enfin mon existence ?

                    Quand serais-je enfin en possession de mon être ?

 

 

Le personnage principal de cette farce est le soleil !

C’est lui qui incendie la ville, qui carbonise nos peaux déjà noircies, qui tache nos vêtements de sueur, qui nous rend le sang chaud

Malgré ce soleil, où que j’aille, la coalition des ombres me suit, me harasse

Ce sont des auxiliaires de la mort, ces ombres, de la mort vorace

          Avec son insatiable appétit

Elle est susceptible de nous dévorer à tout moment, la mort

          Elle exige ses dettes de sang

Elle s’y prend de toutes les manières pour rentrer dans ses frais, cette scrupuleuse usurière

Hier par exemple, un voleur a été immolé

Ses suppliques n’arrachaient que des ricanements de la foule en furie

          Après l’avoir dénudé et bastonné

On lui a versé de l’essence sur le corps et on y a mis du feu

Il se tortillait, en plus du soleil familier, il avait un autre feu désormais pour le consumer

Un tas de chairs cendrées, c’est ce qui restait de lui quand tout est fini

J’ai demandé ce qu’il avait bien pu dérober pour mériter ce sort

Un peu de nourriture sur un étal m’a répondu une passante innocemment

          Il y a un mois un autre s’est fait lapider

Une femme a trépassé en couches, abandonnée comme une chienne à l’entrée d’un hôpital

Plus de cinquante personnes ont pris le chemin de la mort sur une route récemment

 

 

 

 

          Venez dans nos rues

Apprendre une nouvelle philosophie

Le bon sens est la chose du monde la moins partagée

Un homme sort sa verge et urine en plein carrefour sur un poteau électrique croulant

Un autre se mouche et crache à même le sol

Là-bas, éclate une bagarre entre deux femmes qui sont presque déshabillées à force de coups

Un fou prélasse ses organes génitaux sous le soleil tout en monologuant

Mais qu’est-ce qui arrive à ces gens ?

          Je suis étranger ici

Je n’appartiens sûrement plus à cette race

Je pourrais parler au nom de...

J’ai la légitimité des cicatrices

J’ai été élu par la violence

Pareil à cet homme qui prophétisait depuis un cercueil

Il mettait ses deux pieds à l’intérieur et tenait un discours

          Il était prêt à mourir

          Il n’avait plus peur

La mort était devenue timide en le contemplant bien droit, fière dans son recouvreur habituel

Armes et matraques lui faisaient comme une haie d’honneur

Il avait réussi à répudier l’arbitraire funeste

Par sa parole, la vie était de nouveau prête à fleurir

Le peuple l’écoutait, l’acclamait

Il faisait ressusciter l’espoir

 

 

 

 

À décrire ma haine toutefois, les mots ne suffisent plus

           Quelquefois, j’ai envie de la faire éclater 

Et en finir avec quelques-uns de ces gens, qui continuent à faire les pitres, qui continuent à rire

Qui font semblant de ne pas souffrir-complices de leur malheur

Il y aura du rouge épars au sol comme dans mes yeux

          J’ai délivré mon message, maintenant je peux partir

Et qui sais, peut-être dans mon aventure, trouverais-je enfin ma véritable patrie

Le ciel et le temps qui me correspondent

 

 

 

Pour me réconcilier avec moi même

          Il faudrait que je revienne à mes origines

Que je remonte la généalogie de souffrance

Que je rétablisse le lien avec mon cordon ombilical

 

 

 

Je revois le lieu où reposent mes ancêtres

La maison en toit conique a été abandonnée sauf par quelques tombes

Et les mauvaises herbes leur tiennent bonne compagnie

          Le seul voisinage est le silence

Aucun message d’outre-tombe ne me parvient

Ces crânes sont décidément bien taciturnes

          Il me faudrait réapprendre leur langue

Ni la libation d’huile ni les offrandes n’y changeront rien !

J’en viens à douter de mes liens avec ces morts...

          Je traverse les frontières du sang

Les sentiers ne reconnaissent plus mes pas !

                    La terre est rouge et noire

          J’atteins la maturité 

Je perçois enfin la révélation de mon apparence dans l’évidence de la lumière