Simplicités
Ces choses que l’on pense
Et que l’on ne dit pas ;
Tournesol, serpent dansent...
L’on murmure tout bas
Les valses de nos rêves
Qui frémissent au bord
De nos lèvres — la sève
D’or, se répand et mord.
Perdue dans le tempo
Lascif des battements,
Comme un ciel sans sa peau :
L’âme sans nul men-
Songe, et très nue, un peu
Trop belle et trop fragile,
Qui souffle ses aveux
Par nos yeux malhabiles.
Mirages de mots purs ;
Laissez-vous déflorer.
Nous croquerons la mûre
Comme on vole un baiser,
Comme on caresse un chat
En souvenir. Je dis :
Les mots qu’on ne dit pas,
Les mots qu’on n'a pas dits.
Les hommes sont des dieux morts
Nuit trouée d'ombres noires.
Des hommes dans la ronde
Assis, contant l'espoir
D'un regard sous le monde...
Des palabres lucides
Coulent dans la forêt
Qui devient chrysalide
Fendue dans un bouquet.
Le feu, comme l'amour,
Brûle au centre, grandit,
Puis s'éteint. C'est un four
D'un bois qui resplendit !
Un être tendre et bleu
Sous le palo santo
Dont la fumée se meut
Vers la ronde des mots
Perce la peau des ombres :
Il se glisse en avant,
Luisant dans la pénombre,
Le corps beau et tremblant
Et, de son pas de fauve,
Ravive le sacré
Avec un bois très mauve,
Aux brindilles serrées
Dénouées par ses doigts —
Magies, âme éthérée,
Qui s'élancent de toi.
Son visage éclairé
Parmi les flammes d'or
Est bien celui d'un homme :
Un dieu à demi mort...
Est celui d'un doux homme
Condensant dans ses mains
Des volcans qui frémissent,
Des chaleurs de félins
Qui, dans les cœurs, se tissent.
Apesanteur
Du Voyage, on revient comme on descend d’un ciel :
Étourdis, vaporeux, des maux dans l’estomac
Et des mots dans la bouche. À l’aube, on chantera
Ces images dans l’air, qu’elles demeurent belles !
Ces mondes à l’envers aux langues méconnues
Ne nous ressemblent pas. Tout est neuf et barbare ;
On se calque dans tout, on habite le rare
Comme on habite un ciel que l’on a reconnu...
Les visages sont beaux d’une beauté mystique ;
Les fronts de soie, gravés d’une veine de cœur,
S’ouvrent sans innocence ; et jamais rien ne pleure
Si la mort a surpris quelque enfant agnostique.
Et la nature... et la nature... a cette voix
Qui nous raccorde à elle, enfants désorientés,
Tout fait sens : c’est l’amour qui nous guide, enchantés,
Vers ce chemin fleuri deviné dans le soi...
Mais ces paroles-là que l’on sifflote au vent,
On dirait le présent d’une vie irréelle
Qui nous blesse, en piquant. Souvenirs beaux du ciel
Qu’on laisse s’évader pour demeurer vivants.