Dossier Edouard Bengono - Décembre 2017 Ecrit par Edouard Bengono

Catégorie: Interviews  /  Créé(e): 14.12.17 21:22:21  /  Modifié(e): 16.12.17 16:20:03

Interview

 

L’héroïne de votre microfiction est une artiste noire qui utilise son art pour exposer les problèmes de la société, notamment la discrimination raciale. Quel est selon vous l’enjeu de la représentation de la femme noire ?

La femme noire est la mère de l'humanité. Je pense qu'elle représente la femme dans sa fonction de génitrice. Lorsqu'on parle de racisme, je pense d'abord au racisme "anti-noir". Et la femme noire est une victime importante de ce phénomène, car, en plus de faire face au rejet que sa peau suscite chez les autres, elle subit les maux liés à son genre (évoquons le sexisme). Il faudrait, pour gagner le combat de l'égalité des chances, redorer l'image de la femme noire d'abord. Cela aura un impact plus efficace sur la considération de la femme jaune, blanche, etc.

Votre personnage principal est une artiste engagée. Est-ce de cette manière que vous concevez votre rapport à la littérature ?

Oui. Mais il faudrait savoir ce qu'un auteur entend par engagement. Y a-t-il une littérature qui ne soit pas engagée ? Je pense que non. Que ce soit dans Le petit prince d'Antoine de Saint-Exupéry ou dans Les malheurs de Sophie de la Comtesse de Ségur, le lecteur averti trouvera de l'engagement. Reste à savoir si l'auteur souhaitait explicitement s'engager. Je ne cherche pas toujours à m'engager de manière explicite. Je veux écrire, me libérer de ce qu'il y a dans ma tête.

Le patronat qui assiste à l’exposition est blanc et se trouve en position de domination vis-à-vis des noirs. Est-ce de cette manière que vous percevez l’ordre du monde ?

Avant de répondre à cette question, je voudrais dire que je ne crois pas qu'il y ait une guerre entre les Blancs et les Noirs, ni qu'il y ait une opposition entre les hommes et les femmes. Il y a des stéréotypes qu'il faut rejeter. Je ne conçois pas le monde comme dominé par les Blancs. Je pense que les circonstances ont voulu qu'ils développent leurs pays au point de leur faire atteindre le stade qu'ils ont aujourd'hui. L'Afrique noire (pas les Noirs) a un retard à rattraper. Si le patronat est blanc dans la micro-fiction, c'est parce que l'héroïne se trouve dans une environnement où les choses sont ainsi.

Votre personnage principal est optimiste en ce sens qu’elle croit en la discussion comme un moyen de désamorcer les rapports de domination. Selon vous, c’est de cette manière que le noirs peuvent rééquilibrer leurs rapports vis-à-vis des blancs ?

En partie. Les Noirs doivent également se faire remarquer, s'imposer. Notamment grâce à l'art. Les Blancs lisent, il faut leur parler dans les livres ; ils vont au musée, il faut leur parler dans les œuvres d'art... La discussion est une excellente solution et on peut la poursuivre sur plusieurs plans. Il y a à côté de ça le fait que les Noirs doivent sortir de la pièce sombre dans laquelle ils se trouvent mentalement. L'homme noir n'est pas inférieur à l'homme blanc. Il le demeure pourtant tant qu'il le croit, a dit Bob Marley.

Votre microfiction pose également la question de l’utilité du diplôme. Comment expliquez-vous que les noirs, diplômés, ne soient pas en mesure de créer des emplois pour eux-mêmes et dépendent du patronat blanc pour gagner leur vie ?

D'abord, les noirs peuvent créer des emplois (sourire). Mais peu le font. Je peux expliquer ça par le fait que les jeunes (dans mon pays par exemple) attendent d'être recrutés par l'État ou par les sociétés parapubliques et privées. Il leur manque certainement les fonds pour se lancer dans leurs propres entreprise, mais aussi la formation et l'endurance psychologique qui va avec l'entrepreneuriat. Quand on obtient un diplôme, on pense d'abord à s'en servir pour chercher un emploi, pas pour en créer. C'est ainsi que je peux expliquer ce phénomène.

 

Quelle(s) musique(s) accompagnerai(en)t le mieux vo(tre)s texte(s)?

 

Redemption Song de Bob Marley

 

Questionnaire de Proust

 

Quel est votre état d’esprit actuel?

Je suis insastifait. Je pense que je ne m'utilise pas assez.

Quelles sont les fautes qui vous inspirent le plus d’indulgence ?

Celles qu'on commet sans en maîtriser la gravité et qu'on confesse (sincèrement) aussitôt.

Quelle est votre principale caractéristique ?

Je veux qu'on me considère, qu'on cesse de me négliger, qu'on me prenne au sérieux.

Qu'appréciez-vous le plus chez vos amis ?

La confiance, la tendresse et le respect

Quel serait votre plus grand bonheur ?

Que le monde soit aussi simple et viable que dans les dessins animés les plus doux de la chaîne télévisée pour enfants TiJi, que les méchants échouent toujours