Dossier Erika Pelletier - Juin 2020 Ecrit par Erika Pelletier

Catégorie: Interviews  /  Créé(e): 22.06.20 07:06:17  /  Modifié(e): 22.06.20 07:43:08

Questions du comité de lecture

 

 

Pourquoi écrivez-vous de la poésie ?

Dans l’imaginaire collectif, la poésie peut être perçue péjorativement. Certains trouveront qu’elle est pompeuse, d’autres la jugeront incompréhensible alors que d’autres fustigeront son inutilité. Il est donc judicieux de réfléchir sur les raisons qui me poussent à écrire des poèmes. Souvent mésestimée, la structure est aussi essentielle, que le message lui-même. C’est aussi, la provenance de ce désir d’écriture que j’essayerais de mettre en évidence.

Tout d’abord, je pense que ce qui est tout autour du texte est aussi important que le contenu. Dans « Les petits poèmes en prose » de Charles Baudelaire, chaque poème correspond à un genre précis comme le conte cruel chez « Le mauvais vitrier ». J’aime tester de nouveau genre comme en témoigne mon poème « L’avare » parut dans l’anthologie poétique 2018 de Flammes Vives, qui tente de reprendre la structure dialoguée de « L’étranger ». Cependant, je crois qu’il ne faut pas se limiter à la structure car cela limite la spontanéité et l’inspiration qui m’habitent. Aussi, mon attention se porte également sur la musicalité. Selon moi, un poème est destiné à être lu à haute voix. Les haïkus en sont de très beau exemple. Il capture un instant bref et fragile. J’apprécie d’écouter de la musique en écrivant car cela rythme mon poème. Par ailleurs, la poésie peut être un jeu comme les « Calligrammes » d’Apollinaire ou bien « Exercices de styles » de Raymond Queneau. Parfois, il m’arrive d’utiliser des acrostiches. La forme des poèmes apporte des indices complémentaires sur leurs messages.

Ainsi, je m’inspire de trois poètes pour des raisons diverses. Je me complains dans la mélancolie de Baudelaire. Chez Yves Bonnefoy, je loue sa prose poétique notamment dans « Sous le signe de Baudelaire ». J’apprécie les poèmes épurés de Franck Laurent et son utilisation minutieuse de chaque vocable. Ces trois univers m’ont appris à apprécier la poésie car leurs messages résonnent en moi. Le spleen à l’adolescence, la maison natale décrit dans « Les Planches Courbes » de Bonnefoy à l’adulescence ou encore, à l’âge adulte, « Après le paysage » de Laurent et la sobriété de ces textes, tous, ont fait écho en moi. J’apprécies grandement de véhiculer un message dans mes réalisations. La poésie est plus qu’un exutoire, car, à travers elle, je me comprends mieux ainsi que le monde qui m’entoure. A travers mes expositions à Rennes, je peux partager mon univers et avoir un retour sur mes textes.

En conclusion, il apparait que de nombreuses raisons me donnent l’envie d’écrire de la poésie. La liberté du fond comme de la forme élargissent les possibilités d’écriture. De plus, grâce aux expositions, je peux échanger, partager et améliorer cet univers qu’est le mien. Le seul frein à ce désir d’écriture reste cette auto-censure que je me fixe et qui m’interpelle.

 

Dans le poème « L’appel de la forêt » vous inviter à retourner à la nature. Avez-vous le sentiment que des espaces sont encore préservés de la main de l’Homme ?

Jean-Jacques Rousseau avait un attrait particulier pour la nature. Ses œuvres transparaissaient de ce thème, si cher, à son cœur. Avant-gardiste, il avait compris l’importance de respecter la nature. Dans « L’appel de la forêt », le point de vue d’un chêne sur la déforestation tente de faire prendre conscience de la préservation de la nature. Ainsi, nous pouvons nous demander comment mon poème essaye d’interpeller sur la nécessité de protéger l’environnement ? Nous verrons l’impact de l’Homme sur l’environnement, puis l’importance de sa sauvegarde et finalement, je m’intéresserai à la rareté des territoires vierges.

Tout d’abord, la présence de l’Homme sur Terre implique forcément un impact sur l’environnement. D’après « L’appel de la forêt », les Hommes habitent « des immeubles informes et grisonnants » (ligne 8), le sol reste « qu’une terre souillée par vos déchets » (lignes 9 – 10). Certaines personnes en viennent à se déconnecter de la nature : « Prêteriez-vous attention aux frissonnements des feuilles, aux craquements de bois, à cette goutte de pluie qui n’espère qu’un sursaut de vos bas instincts » (lignes 26 - 27).

Par ailleurs, la surexposition des terres entraine une déforestation massive. Ainsi, le chêne mélancolique assiste, désemparé, à la « mort » d’un de ses congénères comme le prouvent les lignes 4 et 5 : « vieux chêne (…) brûler à cause de quelques énergumènes ». Le chêne pousse véritablement un cri d’alarme sur la protection de la nature.

Ainsi, la sauvegarde de l’environnement exige une prise de conscience du lecteur, étape assez difficile à atteindre : « Et même si le destin vous amenait à vous réveiller dans cet environnement extraordinaire, seriez-vous capables de l’apprécier ? » (lignes 24 – 25).

De plus, reprendre le goût d’être « connecté » à la nature suppose de préserver la biodiversité comme détaille l’accumulation suivante : « Les oiseaux (…) des feuilles d’automne » (lignes 34 - 37). Le but étant que « un autre Home s’émerveille » (lignes 46 – 47).

Néanmoins, bien qu’ils soient très rares, certains territoires n’ont pas été « touché » par les Hommes. Ces espaces vierges sont inexploités c’est-à-dire que l’Homme n’y a pas accès ou bien qu’ils n’aient pas les moyens techniques de le faire. En revanche, un territoire naturel suppose que l’Homme y est déjà allé et à décider de le préserver (parcs naturels). La phrase à la ligne 38 à 40 donne une once d’espoir : « l’espoir de rencontrer à nouveau ce promeneur solitaire (…) la bruyère enivrante ».

En conclusion, nous pouvons mettre en évidence les méfaits de la déforestation et de la surexploitation des terres. Les actions des Hommes déterminent l’évolution des espaces vierges et naturels. « L’appel de la forêt » est une invitation à prendre conscience de la nécessité de préserver l’environnement, garantissant ainsi, la biodiversité.

 

De la lecture de vos poèmes se dégagent un attrait pour le temps. Que représente le temps pour vous ?

Dans « Les petits poèmes en prose » de Charles Baudelaire, le poème « A une heure du matin » montre la quiétude du narrateur lorsque la nuit débute. Selon lui, elle lui permet de « produire quelques beaux vers » (ligne 42) et de prendre le temps de récapituler sa journée. Dans les poèmes « Attrait du passé », « Le soleil s’étant couché » et « L’appel de la forêt », la notion du temps est omniprésente. Ainsi, il est légitime de s’interroger sur la place qu’occupe le temps dans ces écrits. Révélateur de souvenirs, l’étude du temps, suppose de définir également son implacabilité.

En premier lieu, mes textes sont empreints d’une nostalgie latente : « votre innocence se ternit et se perd » (L’appel de la forêt), « Dans ton souvenir, la voûte céleste perit » (Le soleil s’étend couché ou bien « De se remémorer un éclat, une pluie, un été » (Attrait du passé). Les textes dévoilent à la conscience ce désir de sonder ces souvenirs de manière à avoir l’impression de contrôler sa vie. Malgré l’emprise de la nostalgie, certains souvenirs ne se révèlent plus à notre cœur.

De surcroît, dans « Attrait du passé », le vers : « et que le temps ternit inexorablement nos souvenirs » suppose qu’une sélection des réminiscences se fait par notre cerveau alors que dans « L’appel de la forêt », le rapport au temps est implicite : « Ou bien n’avez-vous jamais eu la volonté de stopper l’engrenage du quotidien, sa monotonie, pour la découverte de nos trésors cachés ? ». Dans ce dernier exemple, nous avons de façon illusoire, le pouvoir de s’en détacher. Bien que nous souhaitions contrôler le temps qui passe, nous devons nous rendre compte qu’il est insaisissable.

Ainsi, nous pouvons observer que ce ne sont pas les Hommes qui gèrent le temps et qu’il est vain d’essayer de l’apprivoiser. Dans « Le soleil s’étend couché », le crépuscule « envahit mon âme et la nuit frissonnante de ma solitude ». Le verbe « envahir » est fort de sens, l’homme semble être à la merci du temps météorologique et du temps qui passe. Nous pouvons en déduire que ce besoin de capturer le temps n’est qu’un leurre et que c’est lui qui nous rattrape toujours.

Par conséquent, nous ne pouvons que nous soumettre à l’implacabilité du temps et à sa finalité : la mort. Dans le poème « L’appel de la forêt », nous retrouvons cette idée : « Nous ne sommes rien, juste de minces éléments, qui chaque jour un peu plus, se meurent ».

Finalement, le temps est le fil directeur de ces trois textes car il est perçu comme révélateur de souvenirs. Ces réminiscences cherchent à avoir du contrôle sur le temps. Pourtant, nous devons le voir comme une évidence : il est implacable et à de l’emprise sur nos vies.

 

Dans le poème « Attrait du passé » vous suggérez l’idée que se souvenir est une manière de rester attaché à la vie. Quelle place accordez-vous à l’oubli ?

L’oubli est souvent considéré comme une faiblesse ou de la paresse et pour d’autres personnes, il permet de se rattacher à la vie. Il est donc judicieux de s’interroger sur la place qu’occupe l’oubli dans « Attrait du passé ». Dans un premier temps, nous verrons comment l’oubli « aide » notre cerveau et dans un second temps, nous nous intéresserons à sa capacité de rendre par la vie, des souvenirs.

Pour commencer, l’oubli est un processus qui permet de garder en mémoire une partie de notre vie comme le montre la dernière ligne de « Attrait du passé » : « Pour ne jamais laisser filer la vie ». L’oubli permet de trier les souvenirs et donc de permettre à notre cerveau de se « reposer ». L’oubli n’est donc pas forcément néfaste.

Dans « Attrait du passé », les adjectifs « impertinent » et « impromptu », donne pourtant une vision négative de ce processus. L’oubli est étroitement lié au temps ; plus le temps passe, plus les souvenirs s’effacent ; « et que le temps ternit inexorablement nos souvenirs ». L’oubli nous rattrape et s’oppose implicitement à la vie.

Et pourtant, grâce à l’oubli de certains souvenirs nous pouvons « enregistrer » une quantité importante de savoirs. Dans le poème, la phrase « De se remémorer un éclat, une pluie, un été » montre l’importance de la nature, d’y revenir et donc d’apprécier les choses simples de la vie.

Finalement, grâce aux réminiscences « triées », nous pouvons également faire revivre une personne décédée, c’est-à-dire de parler de nos souvenirs pour perpétuer sa mémoire. Ainsi, la personne est d’une certaine façon ressuscitée. Le devoir de mémoire ne peut se faire que par l’oubli d’autres éléments. Ainsi, dans « Attrait du passé », « un éclat, une pluie, un été » sont revenus à la surface de la conscience car d’autres moments ont été oubliés.

En conséquence, l’oubli n’est pas néfaste, au contraire, sa place est essentielle dans le processus de mémoire et donc dans la remontée, en surface, des souvenirs. L’oubli est donc un moyen, un processus qui nous permet de nous rattacher à la vie.

 

Dans « le soleil s’étend couché », la tombée de la nuit suggère l’effacement, la disparition. Quelle est donc cette personne qui est partie ?

Le personnage principal dans « Le soleil s’étend couché », ne porte pas de nom puisque le texte tend à l’universalité. En revanche, de mon côté, le protagoniste me rappelle mon père veuf. Sur les chemins de la vie, le personnage rôde comme un spectre sur les quais « les quais ombragés m’appellent ». Il semble ne plus avoir de raison de vivre et pourtant les quais « veulent me tenir éveillé ». Malgré cette douloureuse épreuve, une étincelle de vie le ramène à la vie. Alors qu’il était « endormie » c’est-à-dire qu’il se complaignait dans son malheur, le paysage marin va le « réanimer ». Ce sursaut de vie passe tout d’abord par les couleurs chatoyantes du ciel « mes prunelles s’éclaboussent d’orange, de jaune, de rose ». Le seul indice du défunt reste « ton visage d’ange », là encore j’essaie d’universaliser le poème afin qu’il touche les gens et que ces derniers, se l’approprient, Le protagoniste a ses sens en alerte ; les couleurs sont en opposition avec la « Lune stoïque ». C’était comme si le jour le réanimerait et la nuit annonce ces douloureuses pensées, ce trépas artificiel. Le crépuscule annonce l’obscurité, plus affirmé, avec son lot de solitude et d’attente d’un nouveau jour « la nuit frissonnante de ma solitude » et « j’attends inexorablement la fin de ce paradis noir ». Ainsi, le décès engendre un chaos affectif puisque « Dans ton souvenir, la voûte céleste périt ». Les souvenirs rappellent le passé et son mal-être ; tout comme le présent, dont « les heures n’ont plus d’odeurs ». Le temps est donc indissociable de la tristesse du personnage.

 

 

Quelles musiques accompagneraient le mieux vos textes ?

 

 

Pour le poème « Le soleil s’étend couché », je trouve que la chanson « Ne me quitte pas » de Jacques Brel est pertinente car il s’agit d’un homme qui a perdu sa moitié.

Pour le poème « L’appel de la forêt », je pense que la chanson de Mickey 3D « Respire » est appropriée.

Enfin pour le poème « Attrait du passé », je n’ai pas trouvé de musique adaptée.

 

 

Questionnaire de Proust

 

 

Quel est mon animal préféré ?

Mon animal préféré est le chien car je trouve qu’ils ressentent notre douleur. Il nous est fidèle et loyal.

 

Quelle est votre chanson préférée ?

Ma chanson préférée reste « Si je m’en sors » de Julie Zenatti.

 

Quel est votre principal défaut ?

Mon principal défaut est le manque d’affirmation.

 

Quel est votre arbre préféré ?

Mon arbre préféré est le chêne.

 

Quel don de la nature, voudriez-vous avoir ?

J’aurais aimé recevoir le don de médiumnité.